Monsieur Tall Yacouba est Président de la Cour d’Arbitrage de la Cote. d’Ivoire (CACI).

1. En qualité de Président de la CACI, quelle est votre réaction suite à la décision des pays membres de l’OHADA de créer un 10ème acte uniforme sur la médiation (AUM) ? Quels changements le nouveau texte va-t-il désormais apporter sur les activités des centres de médiation ?

La création par l’OHADA du 10ème acte uniforme sur la médiation est la consécration de ce mode de règlement de litiges dans l’espace communautaire africain au même titre que l’arbitrage. Les Etats africains membres de l’OHADA, se sont dotés en 1999 d’une législation sur l’arbitrage. Il a fallu 18 ans pour que la médiation accède à ce statut et soit enfin reconnue comme un processus susceptible de régler des litiges. C’est donc une avancée à saluer.

Pour les Centres qui proposaient uniquement l’arbitrage pour le règlement des litiges, le changement va être important puisque dorénavant ils vont devoir s’inscrire dans la dynamique de la médiation.

Pour un Centre comme la CACI, qui, depuis sa création, pratique la médiation, il n’y a pas de changement sauf à harmoniser le règlement avec l’acte uniforme sur la médiation.

2. Quel bilan faites-vous sur la pratique de la médiation des affaires en Côte d’Ivoire et dans les autres pays africains de l’OHADA ?

En Côte d’Ivoire, la CACI a misé très tôt sur la médiation pour développer ses activités. Pour ce faire, avec l’aide de partenaires, nous avons formé les 1ers médiateurs en 2012. Nous avons aussi mené de grandes campagnes de sensibilisation sur toute l’étendue du territoire en direction du monde des affaires, avec l’organisation d’un colloque international sur la médiation en juin 2015.

De son côté L’Etat de Côte d’Ivoire, sentant que l’heure était venue d’insérer la médiation dans le code de procédure civile, a fait voter en 2014 la loi sur la médiation judiciaire et conventionnelle. L’environnement était donc propice, croyait-ton, pour un usage intensif de la médiation par les opérateurs économiques.

Sur le terrain, on se rend compte que les usagers ne sont pas encore convaincus des vertus de la médiation et sont toujours attirés par le procès.

3. En tant que centre de médiation, aviez-vous eu l’occasion de faire face à certaines difficultés en matière de médiation, qui pourront désormais être facilement résolues avec le nouvel AUM ?

Le règlement de médiation CACI a toujours permis de gérer les procédures de manière fluide et sans aucune difficulté. L’avènement de l’acte uniforme sur la médiation ne changera rien.

4. Quels sont les premiers impacts de l’AUM sur vos activités de médiation depuis son entrée en vigueur ?

Ce n’est pas l’avènement de l’acte uniforme sur la médiation qui aura un impact sur l’évolution des activités des centres. Ce qui est décisif, c’est la sensibilisation des opérateurs économiques, c’est la sensibilisation des magistrats pour mettre en œuvre la médiation judiciaire.

C’est aussi et surtout la volonté politique qui doit permettre aux Centres d’accéder aux arbitrages et médiation d’investissement, en visant lesdits Centres dans les codes d’investissements nationaux.

5. Le texte de l’AUM va t il facilement pouvoir être appliqué par les Centres et rentrer dans la réalité des justiciables ?

Avant l’avènement de l’acte uniforme sur la médiation, la Côte d’Ivoire avait une loi sur la médiation complète et exhaustive. L’acte uniforme sur la médiation va à l’essentiel et est très libéral. Les Centres, qui avaient déjà une législation, vont devoir opérer de petites adaptations.

La médiation ne deviendra une réalité pour les usagers qu’après de longs et gros efforts d’explication, de sensibilisation, de formation et d’implication des Ministres de la Justice pour développer la médiation judiciaire.